Alors que
Regis Prograis réfléchit à sa prochaine étape, une chose est certaine pour lui : malgré les pièges de la boxe, sa dangerosité et parfois son côté sombre, vivre sans elle serait difficile à imaginer.
L’ancien champion du monde à deux reprises, coincé dans les embouteillages, confie avec passion — et une pointe de désespoir — à The Ring qu’il veut continuer à se battre sur le ring.
« J’aime encore ça », dit-il. « J’ai vraiment l’impression d’être incomplet sans combattre en ce moment. Je ne serais pas complet tant que je ne suis pas champion pour la troisième fois. J’ai encore beaucoup à donner. C’est vrai que je suis du côté des anciens maintenant, mais je peux toujours le faire. »
« Je m’entraîne tous les jours, mon corps tient toujours. Je sais qu’un jour, ça ne sera plus le cas. Je parle avec d’anciens boxeurs et je comprends que mon corps finira par ne plus suivre. Mais pour l’instant, je m’entraîne tous les jours. J’étais récemment à Vegas à m’entraîner avec des jeunes de 19-20 ans. Eux faisaient des pauses, pas moi. Je suis encore résistant, je peux encaisser les coups, ça ne me fait pas grand-chose. J’aime ça. »
« À ce stade de ma vie, je ne sais même pas ce que je ferais si je ne boxais plus. Je voyage beaucoup, je fais des affaires, j’essaie de m’occuper en dehors du ring… mais je me demande toujours : qu’est-ce que je ferais de moi-même ? »
« Tu peux avoir tout l’argent du monde, il faut quand même un but dans la vie, une mission. La mienne, c’est de montrer aux gens qu’il faut continuer d’avancer. C’est ça que je ressens en ce moment. »
« Je suis accro à la boxe. Je ne saurais pas quoi faire sans elle. Voyager devient ennuyeux à la longue, j’ai plusieurs maisons, dont une immense, mais ça aussi, ça devient fade. Je disais à mon coach que c’est fou de pouvoir tout faire, quand on veut, d’avoir toutes les options possibles, mais c’est effrayant aussi : il faut un but, une vision. Pour moi, c’est encore la boxe, mais un jour, ce sera fini… et je ne sais pas ce que je ferai ensuite. »
À 36 ans, Prograis vit ce que beaucoup de boxeurs traversent : cette obstination à continuer, même si ses plus beaux jours et ses meilleures opportunités semblent déjà derrière lui.
Il y a huit ans, le natif de La Nouvelle-Orléans avait commencé son ascension chez les super-légers en mettant KO Joel Diaz Jr en deux rounds, puis Julius Indongo de la même manière. Fin 2018, il entre dans le tournoi World Boxing Super Series (WBSS), où il bat Terry Flanagan aux points devant son public à la Nouvelle-Orléans.
En demi-finale, il devient champion WBA en stoppant Kiryl Relikh en six rounds. Il affronte ensuite
Josh Taylor en finale à Londres dans un combat brutal et serré. Mais c’est l’Écossais qui l’emporte et unifie les titres, s’emparant aussi de la ceinture The Ring. « Je pense toujours que j’ai gagné ce combat », dit Prograis.
Il redevient champion en 2022 en mettant KO
Jose Zepeda au 11e round pour s’emparer du titre WBC, concluant ainsi une série de quatre victoires par KO depuis sa défaite contre Taylor.
Mais en décembre 2023, il chute pour la première fois de sa carrière :
Devin Haney, pourtant pas réputé pour sa puissance, le met au tapis et l’emporte largement aux points. Dix mois plus tard, à Manchester, Prograis encaisse une nouvelle défaite face à
Jack Catterall, un autre boxeur au style technique plus que percutant, qui le fait tomber deux fois et l’emporte à l’unanimité.
Prograis avait évoqué la retraite après sa défaite contre Jack Catterall, mais avait finalement prévu un retour face au Mexicain Oscar Duarte le 15 février —
avant de se retirer du combat en raison d’une blessure à l’épaule.
Aujourd’hui, il se retrouve dans une phase d’incertitude. Pendant son temps libre, il lit beaucoup, et avoue s’intéresser de près à l’encéphalopathie traumatique chronique (CTE), une maladie dégénérative du cerveau liée aux traumatismes crâniens répétés.
« J’ai lu un livre qui s’appelle Damage », raconte-t-il. « Il est écrit par Tris Dixon. Ce qui est fou, c’est que je le lisais pendant mon camp d’entraînement, et mon coach m’a dit : ‘Arrête de lire ça, c’est pas bon pour l’esprit pendant un camp.’ J’ai arrêté à mi-chemin parce que je ne voulais plus y penser. »
« Mais c’est un sujet qui m’intéressera une fois que j’aurai arrêté la boxe. J’ai envie d’en apprendre plus sur le cerveau. Je pense être différent de beaucoup de boxeurs parce que j’aime lire ce genre de choses — en fait, j’aime lire tout court. Je peux lire pendant des heures chaque jour. »
« J’aimerais vraiment étudier la CTE après la boxe. Je connais plein de boxeurs anciens qui sont morts. C’est un schéma qui se répète : ils sont brillants pendant leur carrière, puis tout s’écroule, ils perdent leur argent, deviennent déments, finissent punch-drunk. Je ne veux pas vivre ça. Je veux pas perdre tout ce que j’ai construit. »
« Ça ne vaut pas la peine d’être une légende si c’est pour tout perdre ensuite. Je préfère être comme Sugar Ray Leonard : il a été grand, il a fait son argent, il l’a gardé, et il va bien. Il a tout fait correctement. »
Mais s’il pense vraiment cela, Prograis devra aussi faire face à lui-même dans les mois à venir. Il affirme que Golden Boy est le bon promoteur car ils maintiennent leurs boxeurs actifs, même s’il reconnaît ne pas être sûr qu’ils aient encore confiance en sa capacité à rester en bonne santé.
Il rejette également les rumeurs selon lesquelles il pourrait être le prochain adversaire du prospect britannique des 63,5 kg, Adam Azim,
affirmant qu’il préférerait définitivement prendre sa retraite plutôt que d’être traité simplement comme un adversaire.
La catégorie des super-légers (140 livres), selon Prograis, est faible à l’heure actuelle. C’est pourquoi, à ses yeux, l’idée de redevenir champion du monde une troisième fois n’a rien d’absurde.
« C’est pour ça que je pense que je serai à nouveau champion, » déclare-t-il, avant d’ajouter une précision essentielle :
« Si je reste en bonne santé. »
« Ils disent peut-être en juillet ou août, je ne sais pas encore contre qui, mais mon objectif, c’est d’être champion à nouveau. »
Avant de conclure, Prograis lance un dernier message de défi face à ceux qui pensent qu’il est sur le point de quitter la boxe.
« Un jour, ce sera le moment de raccrocher, mes proches me le diront. Mais pour l’instant, je peux encore encaisser à l’entraînement. Mon corps ne décline pas encore. Un jour, il ne pourra plus supporter les coups, il ne pourra plus monter les escaliers, nager, faire des sprints ou du sparring. »
« Mais pour l’instant, il tient le coup, et j’ai encore envie de le faire. »