Il était près de 4 heures du matin, le 8 juin 2022, lorsqu’un paisible quartier de la banlieue de Brisbane a été brutalement réveillé par le crépitement de neuf coups de feu tirés en rafale, suivi du crissement des pneus d’une voiture en fuite.

Dans la maison ciblée par l’attaque dormaient dix personnes, dont deux enfants — l’un de huit ans, l’autre âgé de seulement six mois. Parmi les adultes se trouvait Justis Huni, un boxeur poids lourd professionnel de 23 ans.

À l’époque, Huni était encore peu connu, mais commençait à émerger sur la scène sportive australienne. En quelques heures, lui et sa famille allaient se retrouver au cœur de l’un des plus gros faits divers du pays.

« Je m’en souviens très bien », a raconté Huni au magazine The Ring. « Il y a eu ces coups de feu tirés sur ma maison, et tout à coup j’avais la police et des équipes de télévision devant chez moi toute la matinée. Mais j’avais du sparring prévu ce matin-là. »

« J’ai ignoré les caméras et je suis simplement allé m’entraîner. J’ai fait mes rounds de sparring, puis je suis rentré à la maison, où m’attendaient encore plus de journalistes. »

Alors que beaucoup auraient mis leur carrière entre parenthèses après un événement aussi traumatisant, Huni, lui, ne voulait pas perdre de temps, d’autant plus qu’un combat crucial l’attendait quelques jours plus tard. Il affichait alors un bilan de 5 victoires (dont 4 avant la limite), mais des blessures l’avaient tenu éloigné du ring pendant un an. Il devait affronter l’invaincu Joseph Goodall, un autre poids lourd du Queensland, et il n’était pas question qu’une fusillade bouleverse sa préparation.

« Quand ta maison est criblée de balles, forcément tu es un peu secoué », avait-il confié aux médias le jour même. « Mais après ça, on est quand même allés à l’entraînement. On a fait le sparring. Mon objectif restait le combat de mercredi. »

S’il a été affecté mentalement, cela ne s’est pas vu le soir du combat : Huni a dominé les dix rounds de manière si nette qu’un juge a donné un score de 100-90 en sa faveur. Cette victoire lui a aussi permis de décrocher le titre WBO Oriental des poids lourds — une ceinture modeste, mais qui allait marquer le début de son ascension rapide dans les classements WBO.

C’est justement cette position de numéro 1 mondial chez la WBO qui a fait de lui un choix naturel pour affronter Fabio Wardley ce samedi, après le forfait de Jarrell Miller sur blessure.

Beaucoup évoquent l’atmosphère hostile qui l’attend à Portman Road samedi soir, mais après avoir survécu à une tentative d’assassinat, plus grand-chose ne semble pouvoir ébranler Justis Huni.

« Le timing de la fusillade était fou, parce que j’avais le combat contre Goodall cinq jours plus tard », raconte Justis Huni. « Je pense que si j’ai réussi à surmonter ça, je suis certain que je peux gérer ce qui m’attend le 7 juin.

« Tout ça forge le caractère, chaque étape m’a amené là où je suis aujourd’hui, et m’aide à affronter les obstacles à venir, comme ce combat du 7 juin. Tout ce qui m’est arrivé dans la vie s’est produit pour une raison.

« Bien sûr que c’était effrayant. Je vivais dans cette maison, toute ma famille était là ce soir-là. C’était un vrai choc, mais j’étais tellement concentré sur mon combat que ça ne m’a pas affecté. J’ai un peu mis ça de côté.

« Maintenant que j’y repense, je réalise que c’était grave, mais sur le moment, j’étais tellement focalisé sur ce que j’avais à faire que j’ai juste balayé ça d’un revers de main et j’ai continué à avancer. J’ai gagné ce combat, et il y avait énormément de sécurité ce soir-là parce qu’évidemment, on pensait que c’était lié à moi.

« Je ne sais pas… Ça montre juste de quoi l’esprit est capable quand tu es vraiment focalisé sur un objectif. Tu en oublies presque tout le reste. »

Personne n’a jamais été arrêté pour cette fusillade, et Huni n’a jamais regardé en arrière. Depuis, en trois ans, il a porté son bilan à 12 victoires (dont 7 par KO) sans défaite. Et il sait qu’une victoire contre Fabio Wardley, ce samedi soir, pourrait bien lui ouvrir directement les portes d’un combat pour un titre mondial.

Après avoir pris l’avion pour la conférence de presse de lancement à Portman Road à la mi-mai, Justis Huni et son équipe ont décidé de rester en Angleterre au lieu de rentrer en Australie pour terminer leur camp d'entraînement. Ces dernières semaines, ils se sont donc installés au Sharpstyle Boxing Gym, à Blackpool. Pour quelqu’un habitué au soleil, à la mer et aux plages de Brisbane, ces environs pouvaient sembler peu idéaux pour préparer le combat le plus important de sa carrière jusqu’ici.

« C’est un endroit… intéressant », dit Huni à propos de Blackpool. « C’est un peu différent de la Gold Coast.

« Je n’ai pas encore eu l’occasion de vraiment explorer ou d’aller voir la mer, mais d’après ce que j’ai vu, c’est calme ici, et c’est comme ça que je l’aime. C’est bien mieux que Londres, où j’ai passé quelques jours — là-bas, c’était trop animé, trop de circulation.

« Ici à Blackpool, il y a beaucoup moins de circulation, donc ça m’a convenu. On a pu trouver le sparring dont j’avais besoin grâce à quelques boxeurs locaux venus me prêter main-forte. J’ai eu toute la préparation nécessaire.

« J’ai fait tout le travail dur qu’il fallait. Maintenant, je vais juste monter sur le ring et faire mon job… faire ce que je fais depuis 20 ans, depuis que j’ai commencé ce sport. »

Et comme l’histoire l’a déjà montré, il en faudra beaucoup pour l’arrêter.