John Scully avait mis tout son cœur et toute son âme dans la boxe. Il avait disputé 70 combats amateurs et 41 combats professionnels sur une période de 14 ans. Il était considéré comme un professionnel honnête et solide, qui avait participé à des camps d'entraînement aux côtés de Roy Jones Jr. et James Toney, et partagé le ring avec des boxeurs de haut niveau comme Tim Littles et Michael Nunn, champion du monde dans deux catégories.

Mais il n’avait jamais eu l’opportunité de se battre pour un titre mondial – jusqu’à ce qu’on lui propose d’affronter Henry Maske, champion IBF des mi-lourds, invaincu et en place depuis longtemps.

« J’ai appris le 21 mars que j’allais affronter Henry, » a raconté Scully au magazine The Ring.

« Je pesais 192,5 livres à ce moment-là. J’ai littéralement pris l’avion le jour même pour Atlanta, en vacances, pour retrouver des amis. »

Scully, qui s'entraînait en Floride, a préparé ce combat en sparring avec Andy Sarkozy, issu du camp de Larry Holmes.

« J’étais toujours plus ou moins à la salle à l’époque, » explique-t-il.

« Donc j’étais dans une forme générale acceptable, mais officiellement, je dirais que le camp d’entraînement a duré environ cinq semaines. »

« Le timing de ce combat était un peu mauvais pour moi, car ma mère était mourante d’un cancer à la maison, et je faisais également l’objet d’un procès bidon que je n’ai découvert que quelques jours avant de partir pour le combat. Il a finalement été rejeté quelques mois plus tard. »

Scully et son équipe – deux entraîneurs et un sparring partner (plus un assistant allemand intégré à son coin) – ont pris l’avion depuis la Floride, avec escale à New York, puis direction Francfort, avant de rejoindre Leipzig. Ils sont arrivés le 16 mai, soit neuf jours avant le combat.

« Je me souviens très bien de la plus grosse erreur que j’ai faite : dès mon arrivée à l’hôtel, je me suis couché directement et je suis resté au lit toute la journée et jusque dans la nuit, » a-t-il reconnu.

« Après m’être réveillé dans la nuit et avoir mangé, je n’ai jamais réussi à retrouver un rythme de sommeil normal. Je tentais de dormir à des heures normales, vers 23h, mais je restais éveillé jusqu’à 6 ou 7 heures du matin. »

Un an plus tard, il a parlé avec le regretté Emanuel Steward, figure légendaire de la boxe, qui lui a expliqué l’erreur à ne pas commettre.

« Il m’a dit que lorsqu’on voyage en Europe pour un combat, on arrive généralement le matin, et qu’il faut se forcer à rester éveillé jusqu’au soir, vers 21 ou 22 heures, puis se lever le lendemain à l’heure habituelle comme à la maison. »

« Si tu dors dès ton arrivée, tu vas dormir toute la journée et détruire complètement ton cycle de sommeil – exactement ce qui m’est arrivé. »

Il ne se souvient d’aucune tentative de tricherie durant son séjour en Allemagne.

« Je pense que j’ai été plutôt bien traité pendant que j’étais là-bas, » a-t-il déclaré.

« Je ne suis pas sûr qu’ils aient essayé quelconques manœuvres pour perturber mon entraînement ou ma préparation, et si c’était le cas, ce fut probablement de façon à ce que je ne m’en rende pas compte. S’ils l’avaient fait, on peut supposer qu’ils avaient l’habitude de ce genre de choses.

« Nous étions prudents, par exemple, en ne buvant rien provenant de bouteilles ou canettes ouvertes, en gardant en tête les histoires de sabotage racontées par d’autres boxeurs voyageant à l’étranger. Je ne sais pas si ça leur est vraiment arrivé, mais on en avait conscience et on s’était préparés en conséquence. »

Scully était toujours en difficulté face à Maske, qui avait remporté l’or aux Jeux olympiques de 1988, mettant un point d’orgue à une brillante carrière amateur. En professionnel, Maske comptait 29 victoires sans défaite et avait défendu son titre à neuf reprises en trois ans.

Avant le combat, Scully et son équipe avaient demandé à l’arbitre renommé et futur membre du Temple de la renommée, Stanley Christodoulou, de surveiller les tactiques de Maske.

« Nous avons insisté auprès de l’arbitre pour qu’il ne laisse pas le gars beaucoup plus grand que moi me maintenir la tête baissée à l’intérieur, comme il avait l’habitude de le faire dans d’autres combats. »

Les deux boxeurs ont été accueillis très différemment à leur entrée dans l’arène.

« Je me souviens qu’il y avait énormément de monde — 14 000 personnes, » dit-il. « Un véritable océan de visages. Je me rappelle que ça sifflait beaucoup, ce que j’ai appris plus tard être leur façon de huer. »

« Je me souviens d’Henry marchant vers le ring, ça m’a un peu rappelé Drago allant affronter Rocky. »

Le favori local a dominé le combat du début à la fin.

« Je me souviens clairement d’avoir eu l’impression de ne jamais vraiment pouvoir me lancer, » raconte-t-il. « J’essayais de me détendre et de trouver mon rythme, mais l’ambiance et la tension étaient vraiment fortes. Sa taille et son style gaucher m’ont posé problème. C’était difficile de le chronométrer et de lancer mes coups comme je voulais, parce qu’il était très grand et avait un très bon jab. »

Scully, dont la demande précédente à l’arbitre était restée sans réponse, est apparu frustré.

« Henry me maintenait constamment la tête baissée à l’intérieur pendant le combat, et l’arbitre ne disait jamais rien, » raconte-t-il.

« Je me souviens même qu’à un moment, dans le dernier round, quand Henry m’a poussé la tête vers le sol, je regardais nos pieds, et j’ai décidé d’écraser son pied. Je n’avais rien à perdre à ce moment-là. L’arbitre m’a alors sévèrement averti et m’a dit qu’il me retirerait un point si je recommençais. Je me souviens juste avoir ri et tapoté son épaule en disant “OK, arbitre, pas de problème, pas de problème.” »

Maske (30-0, 11 KO) a remporté le combat par décision unanime après 12 rounds. Deux juges ont donné le score de 120-108, tandis que le troisième a accordé une manche à Scully, soit un résultat final de 119-109.

Maske a perdu son combat suivant contre Virgil Hill, champion WBA, lors d’une unification, puis a pris sa retraite. Il est cependant revenu plus d’une décennie plus tard pour battre Hill lors d’une revanche. Par la suite, il est devenu commentateur de boxe, poste qu’il n’occupe plus aujourd’hui.

Pendant ce temps, Scully (36-6, 20 KO) est retourné en Allemagne pour un combat perdu contre Graciano Rocchigiani (décision unanime sur 10 rounds) et a combattu de façon sporadique jusqu’à sa retraite en 2001. Scully est toujours dans le milieu de la boxe en tant qu’entraîneur, notamment auprès de l’ancien champion incontesté Artur Beterbiev.